السبت، 20 ديسمبر 2008

Jean Piel: Questions Internationales


Le double jeu du Hezbollah

Le 10 mai dernier, le Hezbollah a pris le contrôle de la majeure partie de Beyrouth, prouvant qu’en trois jours de combats, il pouvait se rendre maître du Liban. Un accord politique a ensuite été trouvé avec la coalition gouvernementale. Portrait d’un mouvement qui est à la fois une milice armée au service de l’Iran et un groupe politique libanais incontournable, défendant un islam radical et la cause des chiites. Un mouvement plus subtil qu’un groupe terroriste auquel certains veulent le réduire.
Dans quelles circonstances le Hezbollah a-t-il été créé ?Le Hezbollah est le produit de la marginalisation économique des chiites libanais, de la révolution islamique en Iran et de la lutte armée contre Israël. Historiquement, les chiites ont toujours été exclus du pouvoir économique et politique au Liban, bien qu’ils représentent le tiers de la population. Ils vivent dans les régions déshéritées de la Bekaa et du Liban-Sud ou dans les banlieues miséreuses de Beyrouth. L’arrivée de réfugiés palestiniens à la fin des années soixante ajoute à leurs difficultés, car ceux-ci vivent dans les mêmes quartiers, souvent bombardés. Mais c’est l’occasion d’un premier éveil politique aux problèmes de la région. En 1974, l’imam Moussa Sadr – personnage charismatique qui a suivi sa formation religieuse dans la ville sainte de Nadjaf, en Irak – fonde le Mouvement des déshérités, qui défend les droits des chiites et lutte contre le sous-développement des régions où ils vivent. Le Mouvement des déshérités est la première organisation sociopolitique dont les chiites libanais se sont dotés depuis l’empire ottoman, au XIXe siècle. Mais secrètement, Moussa Sadr fonde aussi une milice armée – Amal, l’espoir en arabe – entraînée par les Palestiniens. La misère et les armes constituent donc le terreau du Hezbollah.La révolution islamique qui, en 1979, porte l’ayatollah Khomeiny au pouvoir à Téhéran, va influencer certains membres d’Amal. L’Iran chiite devient un modèle, l’intégrisme religieux une voie à suivre. L’invasion israélienne du Liban en 1982 – l’opération Paix en Galilée – est le troisième élément qui favorise la naissance du Hezbollah. Des groupuscules armés – opposés à la position trop modérée d’Amal – multiplient les attaques contre les troupes israéliennes. Avec l’aide de l’Iran, ces groupes fusionnent pour former le Hezbollah en juin 1982. Celui-ci bénéficie donc de l’appui politique, logistique et financier de Téhéran. Des pasdarans – les Gardiens de la Révolution iranienne – arment et entraînent ses militants dans la plaine de la Bekaa. La création du Hezbollah mêle donc une problématique territoriale – la défense du Liban – et une problématique religieuse, la défense de l’islam face à l’Etat hébreu. Hezbollah vient de l’arabe izbu-Allah, le parti de Dieu. Son emblème est vert sur fond jaune ; dans Hezbollah, la dernière lettre du mot Allah se transforme en un bras brandissant une mitraillette, et un verset du coran est imprimé en rouge : « Ceux qui suivent le Parti de Dieu seront victorieux. »Comment le Hezbollah s’est-il développé ?Au début, le Hezbollah ne mène que des attaques contre l’armée israélienne et la force des Nations unies au Liban, la Finul. Il ne défend aucun projet politique. Il multiplie aussi les enlèvements d’Occidentaux. Ce qui lui vaut d’être classé sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis, mais pas par l’Union européenne. Moins nombreux et moins bien équipé que Tsahal, le Hezbollah va néanmoins marquer des points contre l’armée israélienne, par un harcèlement continu et le recours aux attentats-suicides. Un succès qui lui vaut une popularité croissante chez les chiites. « Il ne faut pas oublier que le culte des martyrs est fondamental chez les chiites. Se sacrifier par amour de Dieu est plus important qu’une victoire militaire. D’où les attentats-suicides. Les dirigeants font aussi référence à la guérilla vietnamienne. Celle-ci a été capable de chasser les Américains ; le Hezbollah doit être capable de chasser les Israéliens », explique Michel Touma, rédacteur en chef du quotidien libanais L’Orient-Le Jour, et auteur d’une étude sur le Parti de Dieu. Entre 1985 et 1989, le Hezbollah et Amal se livrent une guerre fratricide qui fera des milliers de morts. C’est en fait une lutte entre la Syrie (côté Amal) et l’Iran (côté Hezbollah) pour le contrôle de la communauté chiite du Liban. Aucun parti n’en sort vainqueur, mais le Hezbollah y gagne son autonomie et peut se présenter comme un mouvement libanais à part entière. Car le Parti de Dieu a compris que sa lutte contre l’Etat hébreu ne suffira pas à affirmer sa légitimité. Dès la fin des années quatre-vingt, il multiplie les actions caritatives en faveur des plus démunis. Il ouvre des écoles, fonde des orphelinats, crée des dispensaires, assure le ramassage des ordures et la distribution d’eau, finance la reconstruction des maisons détruites par les bombardements. Depuis 2001, le mouvement dirigé par Hassan Nasrallah (voir portrait ci-après) a consacré 14 millions de dollars rien qu’à l’éducation. L’argent a une forte odeur iranienne, mais les bénéficiaires applaudissent. Ses actions caritatives – qui l’amènent souvent à se substituer à l’Etat – feraient aujourd’hui du Hezbollah le premier employeur privé du Liban. L’organisation reste dans la logique qui a présidé à sa création, à savoir la défense des droits sociaux et politiques des chiites, telle qu’incarnée par le Mouvement des déshérités.Le Hezbollah n’est donc pas qu’une milice armée ?Certainement pas. Au début des années quatre-vingt-dix, le Hezbollah annonce qu’il entend contribuer à la consolidation d’un pouvoir pluri-confessionnel afin que toutes les communautés soient associées à la gestion du Liban. Il approuve les accords de Taëf (qui mettent fin à la guerre civile au Liban) qui prévoient que le président de la République soit un sunnite, le Premier ministre un chrétien et le chef du Parlement un chiite. En conséquence, il présente des candidats aux élections législatives dès 1992, et compte 14 élus dans l’actuelle législature. Le Parti de Dieu participait également au gouvernement d’union nationale depuis juillet 2005 avec quatre ministres. Mais depuis la crise gouvernementale qui a vu la démission des ministres chiites en novembre 2006, il campe désormais dans l’opposition. Son coup de force, le 10 mai dernier, qui l’a vu prendre le contrôle, l’arme au poing, d’une partie de Beyrouth, confirme ses ambitions politiques, mais interroge – on le verra – sur sa nature. Le Hezbollah ne peut pas être réduit à un rôle de milice armée au service de l’Iran ; c’est aussi un mouvement politique libanais avec son agenda propre, un acteur désormais incontournable de la scène politique au pays du Cèdre. Le mouvement d’Hassan Nasrallah joue sur les deux tableaux : groupe armé et groupe parlementaire. Ses victoires militaires en effet alimentent ses succès politiques. Son harcèlement continu, ses attentats à répétition vont avoir raison de la détermination de l’armée israélienne qui quitte le Liban en avril 2000, sans aucune contrepartie politique. Certes, après dix-huit ans d’occupation. Suite à cette victoire, le Hezbollah est reconnu comme « force militaire légitime » ; au nom de la défense du Liban contre Israël, il conserve légalement son arsenal. En juillet 2006, le conflit qui oppose Tsahal au Hezbollah (après que ce dernier a enlevé deux soldats israéliens et tué huit autres au Sud-Liban) est l’occasion de constater à nouveau la force et la capacité de résistance de la milice chiite. Certes, Tsahal va lourdement frapper le Liban et sérieusement atteindre le Hezbollah, mais elle ne parviendra pas à gagner la guerre. Elle ne parviendra pas non plus à prévenir les tirs de milliers de roquettes contre le territoire israélien. Après 33 jours de combats – la plus longue guerre menée par Israël – Tsahal abandonne le terrain. Un coup dur pour l’une des plus puissantes armées du monde. Il est vrai que le Parti de Dieu dispose d’un arsenal impressionnant. Jane’s Defence Weekly, le magazine britannique spécialisé dans les affaires militaires, estime que le Hezbollah détient 15 000 roquettes Katioucha fournies par la Syrie et l’Iran, une trentaine de missiles Zelzal d’une portée de 200 km et plusieurs drones. Sans compter des milliers de kalachnikovs, fusils d’assaut et lance-grenades. Ces deux victoires contre les troupes israéliennes valent au Hezbollah une immense popularité dans la « rue arabe », même dans les pays sunnites. Dans les manifestations à Amman, à Jeddah ou au Caire, le portrait d’Hassan Nasrallah est brandi tel celui d’un héros libérateur. On le compare à Nasser. Le Parti de Dieu est vu comme le seul à avoir réussi à défier Israël. Son action démontrerait que la lutte armée est plus efficace que des négociations interminables qui ne débouchent sur rien. Une popularité qui n’est guère du goût des dirigeants des pays sunnites, pour qui le Hezbollah n’est que l’instrument de Téhéran dans son projet de construire un arc de pouvoir chiite qui irait de l’Iran au Liban en passant par l’Irak et la Syrie. Une menace pour la stabilité régionale et pour leur propre leadership. La popularité du Hezbollah tient également à sa chaîne de télévision, Al-Manar, dont le succès dépasse de loin les chiites et le Liban.Quelles sont les idées politiques défendues par le Hezbollah ?C’est en 1985 que le Parti de Dieu dévoile son programme dans un livre écrit par le très radical Cheikh Naïm Qassem, Lettre ouverte aux opprimés du Liban et du monde entier. Le Hezbollah s’y dit favorable à l’établissement d’un Etat islamique, mais il précise que la réalisation d’un tel projet doit se fonder sur le libre choix de la population et que personne ne saurait l’imposer. Si l’islam reste le fondement de son action et de sa pensée, le parti n’entend pas établir une République islamique au Liban. Au contraire, le Hezbollah défend la formule libanaise comme un exemple réussi de cohabitation entre diverses communautés et comme l’antithèse du projet israélien, fondé à ses yeux sur l’édification d’un Etat au service d’une seule communauté. Dans cette Lettre ouverte…, le Hezbollah apparaît donc comme un mouvement pragmatique, malgré un socle idéologique basé sur un islam radical. La division du monde entre « opprimeurs » et opprimés est au centre de sa rhétorique économique et sociale. Mais cette division ne se confond pas avec celle entre musulmans et non-musulmans. Il définit les opprimés comme les déshérités au plan économique, politique et culturel, quelle que soit leur religion. Il prône enfin un « développement humain intégral », dans lequel l’économie est au service de l’homme, et non l’inverse. La lecture du livre de Cheikh Naïm Qassem donne donc du Hezbollah l’image d’un mouvement conservateur au plan religieux et sociétal, démocratique politiquement et plutôt « de gauche » au plan économique. Pour le journaliste Michel Touma, « la difficulté est de savoir si le Hezbollah est un parti libanais, ou un parti communautaire, c’est-à-dire défendant la cause des chiites au-delà des frontières. Pour moi, c’est au départ un parti islamiste directement lié à l’Iran. Sa création relève plus de la logique communautaire que géographique. Mais sa lutte contre Israël se fait aussi au nom de la défense du Liban, et dans son action quotidienne il ne prend pas toujours ses ordres à Téhéran, mais en fonction de la situation politique à Beyrouth. Son caractère libanais est donc incontestable. »La crise politique au Liban ne met-elle pas à mal les idées officiellement défendues par le Hezbollah ?C’est l’opinion de nombreux observateurs. Le Hezbollah a toujours assuré que son arsenal était uniquement dirigé contre Israël, que jamais il n’utiliserait ses armes contre ses adversaires politiques au Liban. Il a également toujours assuré que jamais il ne commettrait le sacrilège de s’en prendre à d’autres musulmans. Or, entre le 8 et le 10 mai dernier, c’est l’arme au poing qu’il prend le contrôle de Beyrouth-Ouest, quartier majoritairement sunnite. C’est toujours l’arme au poing qu’il impose la fermeture des journaux et des télévisions qui lui sont hostiles. « Nous avons été humiliés. Les militants du Hezbollah, qui ne sont souvent que des gamins incultes armés de mitraillettes, se sont comportés comme des brutes. J’ai assisté à des exécutions sommaires, un de mes voisins a été emmené de force on ne sait où », témoignait dans Le Monde une habitante sunnite de Beyrouth-Ouest. La fiction d’un parti respectable, mesuré, démocratique, attaché au caractère multiconfessionnel du Liban, a volé en éclat. Pour le secrétaire général de l’Onu, « le Hezbollah s’est révélé être une infrastructure paramilitaire massive, menaçant la paix et la sécurité régionales ». Comme l’explique l’universitaire Saïd Ferraka, cité par l’hebdomadaire L’Express : « Le Hezbollah n’admet la démocratie que dans la limite de ses intérêts. Il participe au gouvernement d’union nationale, mais lorsque celui-ci renvoie les troupes syriennes, il saisit un prétexte futile pour faire démissionner ses ministres et bloquer le fonctionnement des institutions. C’est à cause de lui que le pays n’a pas de président depuis six mois. Le Parti de Dieu n’admet pas les obligations qu’impose la démocratie. Lorsqu’une mesure le contrarie, il utilise la force pour obtenir son annulation. » On peut se demander s’il est normal que le Hezbollah dispose d’une milice plus puissante que l’armée nationale libanaise, s’il est normal qu’il ait développé un véritable Etat dans l’Etat, contrôlant des pans entiers du territoire et disposant d’un réseau de télécommunication plus performant que celui de Lebanon Telecom, s’il est normal que de nombreux fonctionnaires n’obéissent qu’à lui. Les événements de la mi-mai ont été qualifiés par le gouvernement libanais de « coup d’Etat armé contre la patrie, l’unité nationale, le régime démocratique et le pluralisme ». Mais le Parti de Dieu ne veut pas pousser trop loin son avantage pour ne pas être accusé de réveiller la guerre civile au Liban. C’est pourquoi il a conclu un accord de sortie de crise avec la coalition gouvernementale. Une coalition gouvernementale que le Hezbollah accuse d’être inféodée aux Etats-Unis.Comme le souligne dans Elaph le journaliste Bilal Khbeiz : « Nous sommes au cœur de la double nature du Hezbollah. C’est le bras armé de l’Iran dans la région. Il est financé et entraîné par Téhéran, et n’adopte aucune décision majeure sans le feu vert de la République islamique. Il reconnaît l’autorité absolue et supranationale du waly el fakih, le guide suprême. C’était l’ayatollah Khomeiny avant ; c’est Khamenei aujourd’hui. Sans un conflit sans fin avec Israël, sans un Liban otage des conflits du Proche-Orient, le Hezbollah n’a plus de raison d’exister en tant que groupe armé. Son intérêt n’est pas un Liban pacifié. Mais c’est aussi un mouvement politique libanais qui défend la cause de la communauté chiite. Le Hezbollah devra un jour choisir entre ses deux natures. Je parie que la cause de l’islam radical l’emportera sur celle d’un Liban en harmonie. »
MFI

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كيف مات الشارع

انقضى الليل , اقتلع النهارعقرب الساعة الكبير وهبط من ساعة الحائط , أراد للوقت أن يبقى كسراتٍ صغيرة تدور و تدور دون أن ترتطم بعتبة. مشى في الشارع متجهاً نحو المقهى حيث كان الرجل وحيداً يحتسي ما تبقى من تفل بارد و ما ان تلاقت العيون حتى أغمد العقرب في صدره وجلس ينتظر ....لم يأتِ الليل .